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Texte écrit pour le solo show de Jeanne Révay 
« Phantasia »

20 janvier - 26 février 2022

Galerie Houg,  75003 Paris

Jeanne Révay nous invite à suivre le chemin d’une probable dé-construction de l’acte de « voir ». Pour cela elle nous propose de voir sans voir, de voir sans vraiment savoir de quoi il s’agit. Chacune des cinq fenêtres lumineuses qu’elle présente est un monde à part que notre regard est tenté de décrypter. Chaque fenêtre nous invite à nous arrêter un moment pour tenter de comprendre la part qui revient à ce que l’on voit vraiment et celle qui renvoie à notre imaginaire.  

En convoquant des sujets ordinaires, elle voile pour mieux dévoiler, cache pour faire réapparaître ce qui pourrait relever d’une perception fantasmée. Elle nous invite ainsi à une rencontre sans véritable certitude sur ce que nous voyons  vraiment. La notion même de monde devient problématique et la distinction entre rêve et la réalité plus fine encore.

 

Pour mener à bien son travail créatif, Jeanne Révay utilise trois supports selon un processus qui les superpose l’un sur l’autre, par strates successives, un travail où il faut retirer une couche pour en révéler une autre : il s’agit d’une photographie, d’un dessin travaillé à la gomme de mie de pain et de la lumière du projecteur. C’est cette superposition qui est la « matière à travailler », une matière rendue dans un premier temps opaque, dans la mesure où elle met en échec la visibilité de ce qui paraîtrait évident. Ce travail à même la surface d’une matière-écran autorise la métamorphose de repères construits et déconstruits.  

 

La technique du vidéo-projecteur permet de mettre en relief la trace, comme le ferait l’échographie d’un dessin. De la sorte, elle obtient une lumière énigmatique où le noir reste très présent en opposition à un blanc lunaire provenant d’un sujet mystérieux. 

D’un côté il y a le sujet plein, représenté par une photographie, de l’autre , le résultat obtenu par la projection où certains détails sont accentués, exacerbés ou diminués, voire retranchés. Jeanne Révay pose ainsi le rapport du monde et de la perception comme un rapport entre le plein et le vide, le positif et le négatif dans un mouvement inversé. Le détournement de l’image photographique par le brouillage met face à face la prétendue réalité du monde et son illusion radicale. Il s’agit ici de permettre au regardeur d’atteindre le monde de l’hyper-réel à travers la visibilité d’une transparence imposée. Cela est rendu possible grâce au travail de Jeanne Révay qui consiste à maîtriser autant la disparition que l’apparition. De la sorte elle réussit à créer une ambiance propre à l’imaginaire qui brouille les frontières entre les mondes animal, végétal et minéral. Un regard superficiel pourrait y discerner les galets d’une plage, des bois flottés, des coraux ou encore des roches rugueuses et des animaux pétrifiés, autant d’illusions propres à déstabiliser notre perception. Car il s’agit bien sûr de tout autre chose où d’ailleurs le sujet de l’œuvre a perdu sa place centrale tout cela au profit du regardeur qui participe pleinement à l’acte créatif.

Comme l’explique Merleau Ponty, « la chose ne peut jamais être séparée de quelqu’un qui la perçoit, elle ne peut jamais être effectivement en soi parce que ses articulations sont celles mêmes de notre existence et qu’elle se pose au bout d’un regard ». 

C’est bien de cela qu’il s’agit dans le travail de Jeanne Révay qui cherche à désintégrer sous nos yeux les attributs du réel pour leur substituer une quasi-réalité qui retrouverait ses qualités humaines. D’un côté il y aurait le spectacle « en soi », de l’autre le spectacle « pour soi ».

C’est toute la proposition de la présente exposition. N’est-ce pas également celle de tout artiste, à qui est donné la possibilité d’offrir à notre vision la texture imaginaire du réel ?

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Détails de grands formats présentés lors de l'exposition

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